par Max Simeoni
Les médias, avais-je dit, relateront largement les péripéties des élections Territoriales. Moins d’un mois pour la première bataille essentielle pour franchir le premier tour. Le Corse Matin de ce lundi de Pentecôte fait un bon résumé des échanges polémiques des dix listes qui s’affrontent. Elle est décisive pour les compétiteurs. Elle a des allures de tirs d’artillerie.
Les challengers pilonnent avec des orgues stalines : échec catastrophique de la gestion des nationalistes, demande obsessionnelle institutionnelle, négligence économique, déchets qui s’accumulent, compagnie maritime ni chèvre ni choux, opposition au pouvoir central sans lequel on ne peut rien, etc., etc.
Ces opposants qui étaient au plus bas, leurs scores électoraux réduits aux scories de leurs anciennes appellation de clans de Droite et de Gauche, sont poussés pour survivre à faire front commun contre cette majorité des nationalistes coalisés. Ils sont entrain de retrouver l’espoir grâce au coup de main du Président Macron lequel, dans l’euphorie de sa victoire totale, avait affiché un faux nez girondin puis, à l’anniversaire de la mort du préfet Erignac, avec son nez propre flanqué de Chevènement, ses traits furent ceux d’un jacobin pur et dur venu faire la leçon à des majoritaires nationalistes coalisés pour leur rappeler « qu’ils n’étaient que des élus locaux qui ne font pas la Loi ». La fin de l’euphorie se fait avec les gilets jaunes sur les ronds-points. Le Président ne peut que changer de méthode. Il devient plus habile à la manœuvre. Il se déplace à Cozzà pour rencontrer les maires qui du fait de la suppression des ex-conseils généraux sont en première ligne au contact des décideurs, l’Exécutif de la CdC ou le gouvernement pour leurs projets à financer. Il crée une Conférence des maires excluant la CdC. Il revient à Aiacciu avec Euromed et fait un saut à Bonifaziu pour donner plus de prestige à ces opposants des nationalistes. Son Premier Ministre le suivra avec une valise de millions pour les infrastructures en Aiacciu, téléphérique compris, et une mallette intéressante pour Bonifaziu. La démonstration est faite que le pouvoir est présent directement pour accorder crédit moral et crédits financiers à ceux qui vont contre la majorité « absolue » des coalisés. Ses préfets maintiennent l’offre et vont jusqu’à traiter directement des financements en dehors de la la CdC. Ce parti pris du pouvoir central est un message massif et brutal afin que nul ne l’ignore. Il conviendra de l’atténuer un peu pour estomper son agressivité. Cette mission sera confiée en septembre 2020 à Madame Corse, Jacqueline Gourault, ministre des Collectivités, et Jean Baptiste Lemoine, ministre d’État au Tourisme. C’est la politique du bâton et de la carotte. Une mise en garde aussi contre tous les nationalistes, autonomistes, régionalistes de France et de Navarre, à la recherche de plus de pouvoir au service de leurs territoires et leurs cultures.
Le Covid19 n’a fait qu’entraver un peu plus la défense des nationalistes par la crise économique et sociale qu’il entraîne. On ne sait pas quand il finira, ni combien de temps il faudra pour réparer les dégâts. Il impose une campagne électorale inédite sans rassemblement d’importance. Les médias, écrits ou parlés, vont faire pour le mieux, les réseaux sociaux vont sans doute se déchaîner pour les fausses nouvelles ou pour décharger la bile de tous les individus en proie aux incertitudes du lendemain. Les mesures barrières resteront pour grand nombre d’entre nous. La « rage de vivre » de nombre de jeunes s’exprimera malgré tout. Mais on ne peut pas éviter une convalescence non raccourcie pour un tel traumatisme qui n’épargne aucun secteur de l’activité humaine. Chacun a à gérer son temps d’incertitude. Il n’y a pas de panacée. Espérons qu’au moins on saura tirer quelques leçons pour l’avenir.
Pour l’instant, les nationalistes sont en concurrence sur quatre listes au premier tour.
« La gauche déboussolée cherche son leader » titre le Corse Matin du 14 mai. « Jean Charles Orsucci sur la ligne de départ » titre à la Une le Corse Matin du 15 mai. Sera-t-il une carte faute de mieux ? On peut en douter lorsque le soutitre indique qu’il « dévoile sa liste. Et parle de ceux qui ont tenté de l’empêcher. » C’est tout dire.
Par contre, la Droite de Laurent Marcangeli tient la rampe pour chasser la majorité des coalisés nationalistes qui se battent entre eux, « absolue » elle est devenue dissolue. Pourra-t-elle se constituer une force cohérente ? Pour le deuxième tour, ce serait un miracle en une ou deux journées. Après, au troisième tour, et ce malgré les plaies encore ouvertes du premier tour avec des listes sans doute exclues ou peu de réserves pour partager ? Plus tard après l’élection présidentielle ? Impossible à savoir ce qu’il en sera.
À noter une liste écologique menée par Agnès Simonpietri qui a fait partie de l’Exécutif nationaliste.
Je suis comblé dans ma crainte d’avoir envisagé la coalition à la majorité « absolue » comme incapable de rassembler plus de Corses, alors que les autonomistes regroupés auraient pu être un noyau, lui, capable d’organiser un front nationaliste à condition qu’une fois fusionné il s’y attelle pour, sans prétention d’hégémonisme, en toute humilité, avec transparence démocratique, il sonne le cornu pour résister au jacobinisme et le faire céder, faire reconnaître l’urgence de la reconnaissance du Peuple Corse et un statut d’Autonomie interne pour sauver notre Peuple du risque de disparition historique voulue par la République des jacobins. Oui, voulue pour mieux disposer de sa Terre, l’exploiter sous prétexte d’un développement touristique important qui la sortirait de sa léthargie et la moderniserait. Quand il publia à cet effet son plan de Schéma d’aménagement de la Corse pour 15 ans, de 1971 à 1984, l’ARC a pu se procurer le rapport secret demandé par la Datar à l’Hudson Institut. Le mensonge et la manœuvre cynique apparurent en pleine lumière, l’État jacobin pris en flagrant délit tenta de se dédouaner sur le dos de l’Hudson Institut qui était tenu au secret par contrat puis fît mine de l’oublier. Faux, il continue plus soft. Les chiffres le disent.
L’île double de population, surtout dans les 20 ou 30 dernières années, avec l’apport de population extérieure. Elle ne comptait que 160.000 hab. en 1960. L’île passe en tête, et de loin, pour les constructions à « valeur locative ». La Corse vidée comme réservoir d’hommes pour l’Empire colonial et les guerres (12.000 morts en 14-18 et une multitude d’estropiés). Ce tout tourisme sert des productions venues de l’extérieur. Il participe à plus de 20 % du PIB, chiffre énorme par rapport à toutes les régions dites touristiques. C’est dire la faiblesse des autres activités économiques.
On ne peut être que sidérés quand on voit les nationalistes se rendre, impuissants par la drogue de l’électoralisme pour des mandats sans portée d’un statut spécial qui les enferme dans la gestion et use leur crédibilité. Ils en oublient leur mission historique alors qu’ils doivent casser ce système : faire reconnaître par la loi l’existence du Peuple Corse et obtenir l’Autonomie pour préserver son avenir. •